Les chemins les plus détournés sont parfois les meilleurs.

Fichu vieillard ! Le bout de papier pivota à 18 entre les mains de l'archère. Elle plissa des yeux, se concentrant sur le parchemin pour s'exclamer une nouvelle fois Tu parles d'un itinéraire. Forcément s'il a compté ça en longueurs de cannes je suis pas rendue. Ou alors il dû se paumer dans les directions....quelle idée aussi de faire confiance à une créature à moitié sénile.
Évidemment j'aurais dû me douter. plus c'est emmitouflé, recourbé et amical, plus c'est fourbe. Et en plus ça a faille me couter une bourse d'écus...encore heureux que ce soit pas moi qui l'ai déboursé.

Elle était partie au crépuscule des abords de Nedmor, cheminant à la faveur de la nuit ce qui lui avait épargné de croiser quelques compères de l'Apocalypse, et s'épargner ainsi quelques fastidieuses explications.

Je suis déjà passée par là c'est certain Maugréa-t-elle en considérant le rocher à ses côtés. Étouffant un profond soupir, elle s'adossa quelques instants contre ce siège de fortune, vérifia l' harnachement de son paquetage, réajusta la bandoulière de son carquois. Une brise fraiche s'était levée, et de petites bourrasques soulevant le pollen des chamalla. Elle huma à plein poumon les senteurs sucrées, et relut une nouvelle fois les indications :


...Tournez à droite après l'orme foudroyé, avancer d'un bon kilomètre, puis longer la source vive, et continuer jusqu'au pied de la colline.

Elle fronça les sourcils, il y avait belle lurette qu'elle avait croisé l'orme en question, mais n'avait eu de cesse depuis lors de tourner en rond. Soit les indications étaient bel et bien erronées, soit la forêt était enchantée, et prenait un malin plaisir à la faire tourner en rond.

Bah... ! Conclut-elle en chiffonnant le parchemin qu'elle rangea en boule dans sa besace.

Le sifflement du vent contre ses oreilles, soulevait sa chevelure, l'obligeant à se pencher plus en avant. Elle était à deux doigts d'abandonner tout bonnement lorsqu'elle aperçut
à ses pieds elle remarqua une petite piécette luisant sous le clair de lune. Puis une autre quelques mètres plus loin...et une troisième enfin. Relevant ses prunelles émeraudes, elle fouilla l'obscurité environnante pour discerner quelques mètres plus loin, cachée sur le flanc d'un tertre, ce qui semblait une simple bicoque.

Pas ostentatoire, plutôt discrète même. Une nouvelle aube manquait de se lever...rien ne lui couter d'y quêter quelques repos avant de poursuivre sa route conclut-elle en s'approchant de la maisonnée.
Pas l'ombre d'un bruit provenant de l'intérieur. Le lieu était-il vide ? Poussant avec circonspection la porte dans un grincement digne d'une maison hantée, elle glissa une frimousse auburn à l'intérieur de la pièce lançant un court, mais néanmoins déterminé :


Eh oh Y'a quelqu'un ? ... un ... un ... un poursuivit l'écho...laissant présager un lieu bien plus vaste que ce qu'il ne paraissait de prime abord.

Le vampire avait entendu de son ouïe fine la porte de la demeure s'ouvrir et avait sentit la présence d'une jeune femme. Il ne dormait qu'à moitié à son habitude, se leva immédiatement et se dirigea vers sa porte ; au même moment le jeune paladin ouvrit la porte de la chambre et dit de son tact légendaire : " Assildor, il y a une jeune femme qui t'attends, va à ma place, je suis fatigué. " Le jeune être aux yeux rouges acquiesça d'un regard et partit en bas.

Il arriva ensuite sur les grands escaliers de l'allée principal et d'un pas fin, il se mit dans l'ombre, il voulait savoir se qui amenait cette jeune femme ici. Une fois qu'elle fut rentrée, elle se mit à appeler, dans le but de rencontrer quelqu'un, l'attende ne fut pas longue.
L'être à la peau pâle descendit les escaliers et sortit de l'ombre pour apparaître devant la jeune femme, d'un air stoïque, il prit la parole : " Bonjour gente dame. Je me nomme Assildor et vous voici rentrée dans la demeure du Larcin Doucereux. Que faîtes-vous ici ?
Ah mais j'en oublie les bonnes manières, allons nous asseoir pour discuter ... et ne vous en faîtes pas, je ne mord pas. " Et il laissa s'échapper un léger sourire.

Diaaaah ! Sursauta-t-elle face à la créature qui venait d'apparaitre devant elle, sans qu'elle n'ait un instant pu se douter de sa présence ... frôlé ... crise cardiaque. Bredouilla-t-elle entre deux battements de coeur, face à la créature au teint pâle qui la fixait impassible de son regard rubis.

" Bonjour gente dame. Je me nomme Assildor et vous voici rentrée dans la demeure du Larcin Doucereux. Que faîtes-vous ici ? ...

Plongeant un instant ses yeux clairs dans le regard hypnotique du vampire, elle demeura quelques secondes silencieuse. Avait-elle bien entendu "Les larcins doucereux ?" ** Je serais donc arrivé à l'endroit que je cherchais, que de circonvolutions j'aurais pu m'épargner si j'étais allée droit au lieu de tenter de suivre ce fichu plan ** ragea-t-elle intérieurement. A la fois soulagée d'ainsi abrégé son périple, mais tendue tout en même temps d'avoir trouver l'objet de ses recherches, réfléchissant aux mots qu'il lui faudrait employer pour formuler sa requête, elle secoua la tête pour évacuer ses pensées et se reprit :

Je crois que c'est à moi de présenter mes excuses pour mon arrivée inopportune...à vrai dire de loin j'ai pris cet endroit pour une demeure à l'abandon, j'eus évité de procéder avec autant de ...cuistrerie autrement.

Gratifiant le vampire d'un sourire furtif s'inclinant légèrement, main sur sa poitrine, pour se redresser aussitôt tout en observant du coin de l'oeil les lieux. Maintenant que son regard s'habituait un peu à la pénombre, elle distinguait un escalier dans le fond qui devait monter aux étages supérieurs. Oui la demeure semblait receler plus de dédales qu'il n'y paraissait.

On me prénomme Sishra, Archère de son état, anecdotiquement citoyenne de Nedmor, et membre de la guilde l'Apocalypse...néanmoins, c'est en mon nom propre que je viens à vous, puisqu'il semble que je sois arrivée à la destination que je recherchais.

Suivant de quelques pas l'invitation du vampire, esquissant un sourire mi-figue, mi-raisin, à son trait d'humour et s'asseyant avec une grâce toute aérienne.

Je vais faire simple... à vrai dire...j'ai eu ouï dire que vous disposiez de compétences diverses en des ... arts...qui rebutent nombre de créatures...que vous les exerciez avec une forme...de... Glissant une main sous son menton d'éthique qui vous était propre...

** Doucement papillon. A aller trop vite, on se brûle les ailes ** se dit-elle. Elle aurait bien le temps de délivrer toutes les raisons de sa visite une fois qu'elle se serait assuré que les informations - ou disons plutôt les rumeurs - qui auréolaient la guilde des larcins doucereux, étaient fondées.

Si je viens à vous, c'est en premier lieu pour mieux connaître les principes qui animent votre ... congrégation... pour apprendre également.

Le vampire s'était assit devant la jeune femme et la fixa des yeux pendant son explication concernant sa venue en ces lieux, il resta subjugué par son entregent et fut attendrit par son ton mielleux. Elle aborda ensuite les principes de la guilde, et quand il vit qu'elle n'osait pas trop entrer dans le vif du sujet, il l'aida en prenant la parole : " Si vous parlez de l'assassinat et du larcin, oui en effet, nous les utilisons de manière loyale et révolutionnaire si je peux m'exprimer ainsi. Autre chose à savoir, c'est que nous n'aimons guère l'hypocrisie de la société humaine, c'est en partie pour cela que nous nous sommes exilés ici même. Enfin, nous avons un côté marginal qui fait que chaque personne jugée apte à être admise au sein de la guilde le sera, quelque soient ses actes passés, car ici, nous sommes tous sur le même piédestal. Voilà ce qu'il y a à savoir en résumé, je vous laisse y réfléchir ma chère ... "

Et l'être au regard rougeâtre laissa la parole à la jeune femme.

C'est avec une attention toute particulière qu'elle écoutait cet interlocuteur au si visage impassible et respirant le mystère. Elle appréciait le temps qu'il lui accordait, sans s'offusquer de sa présence, y répondant simplement. Lorsqu'il dit ...

Si vous parlez de l'assassinat et du larcin, oui en effet, nous les utilisons de manière loyale et révolutionnaire

...Elle laissa s'échapper un rire frais comme une brise printanière, tête légèrement rejetée en arrière.

Et cela est révolutionnaire assurément...

Les paroles du vampire s'écoulaient en elle avec la précision d'une lame s’introduisant dans le chas d’une serrure. Soulevant doucement le loquet de ses pensées, les laissant peu à peu s’écouler. Elle demeurait pour l'heure songeuse. Laissant un silence s'installer Lorsqu'elle le brisa c'est pour remarquer

L'hypocrisie...moui...sans doute est-ce une des choses les mieux partagées en ce monde. On est ma foi toujours l'hypocrite de quelqu'un. Dois-je pour autant en conclure que vous réalisez des larcins dénués de toute roublardise ou de toute dissimulation ?
Si tel est le cas je ne peux une nouvelle fois qu'être profondément intriguée par la mise en pratique de vos principes…

Le ton était doux, la voix presque un murmure, comme si elle faisait partager au vampire un peu de ses propres réflexions. Elle releva vers lui un visage marqué par une forme de détermination, non pas fébrile mais lucide.

Assildor n'est ce pas ? Ce n'est pas un problème "politique" qui m'amène Un sourire en coin germa au creux de ses lèvres, marquant une forme d’auto-dérision en ce monde je suis peu, et tiens à le rester, on néglige souvent les petites mains les roturiers, on les ignore, on les oublie, on les omet, et c’est la sans doute un de leur plus grands atouts.
Que vous accueillez à vos côtés des créatures que vous considérez comme vierges de passé cela vous honore sans doute, et cela me confirme simplement que vous n'êtes pas gens à suivre des idéaux préconçus ou prémachés.

Elle décroisa les jambes, plongea un instant les yeux dans l’obscurité ambiante avant de reprendre

Il y a bien des mots...honneur, devoir, vengeance, force, ou justice que l'on porte en bandoulière les arborant fièrement, mais qui à l'épreuve des faits, se révèlent falots, si ce n'est tout simplement vides : une simple bourrasque suffit à les faire s’envoler comme de dociles volatiles.

Constata-t-elle en songeant au manque d'idéal qui régnait sur ces terres, pourtant entrées en conflit pour ces mêmes idéaux

Vous parlez de crimes et de vols, vous semblez pourtant vous démarquer des brigands, ou ne pas chercher particulièrement à y être assimilés…si ce n’est peut être par les compétences que vous évoquez.

Moi j’y vois un Art, dans lequel je suis bien loin d’exceller, mais qui comme tout art se nourrit d’artifices et de subterfuges, pourtant je ne me résous pas à en user sans distinction aucune…

Elle baissa la tête vers le sol, avant de relever vers la créature de la nuit un regard déterminé

Si je suis ici face à vous, c’est dans l'espoir d'affiner ma propre pratique, pour être sincère c’est affreusement égoïste de ma part Nota-t-elle une pointe de malice illuminant ses yeux clairs Mais si vos principes ont la noblesse et la rigueur que vous sous entendez, alors je serais honorée que vous me les fassiez partager.

Après tout pour qu'une révolution se propage, il faut encore en allumer de multiples foyers, non ?

Le vampire avait écouté la jeune femme tout en gardant le long de la conversation, son léger sourire. Une fois qu'elle eut finit, il se leva du fauteuil et prit la parole :

" Vous êtes un esprit rare ma chère, bien-sûr, votre nature humaine vous poursuit encore, vous suivez un but bien précis, et c'est tout à votre honneur. Je sais que mes propos vous semble ambigus, vous vous demandez comment ne pas être hypocrite avec quelqu'un qu'on vol ou qu'on assassine, ou encore même, ne pas être hypocrite avec soi-même ...
Je vais vous l'avouer, nous sommes tous passer par cette faiblesse d'esprit, moi-même, quand j'étais encore un humain, je ne vivais que pour l'argent, j'étais cupide et idiot, mais les siècles de souffrance que j'ai passé par la suite m'ont servit d'exemples et de leçons ; avant je maudissais l'être qui m'avait donné ce don, et maintenant je le remercie, car j'ai comprit avec le temps que ma vie humaine n'était qu'une parodie de bon sens moral. Vous, vous semblez déjà plus sensée ... mais sachez que si vous voulez nous rejoindre dans notre exile et dans notre idée de révolution, vous deviendrez vous aussi un être marginal vivant pour " quelque chose " de meilleur que nous avons actuellement. Bien sûr, il y a des sacrifices à faire, vous ne verrez plus beaucoup, voir même plus du tout vos proches, votre passé sera laver en quelque sorte.

En ce qui concerne le larcin et l'assassinat, oui, nous sommes différents des brigands, car eux, agissent par cupidité, par soif de pouvoir ou tout simplement par ennui. Nous, nous respectons certaines règles, comme par exemple, n'agir que si nous devons agir, ne jamais donner le premier coup bas. Vous évoquez le fait que les roturiers sont des ombres parmi notre société, qu'ils sont considérés comme des abominations inutiles et insolentes, et je suis d'accord avec vous. Là est notre force, nous ne cherchons pas la gloire ni l'or, nous nous battons pour notre cause. Enfin vous dîtes voir un art dans ce que nous faisons, et je partage le même avis, le larcin et l'assassinat n'est pas un jeu, ni un passe-temps, c'est un art qui nous sert à transmettre des messages, tout comme l'écriture, la peinture ou la musique. Les gens bornés, hypocrites et cupides sont éliminés, pour notre bien à tous, et servent d'exemples aux autres. Nous préférons tout de même parler avant de frapper, ça aussi est une règle à respecter.

Vous dîtes aussi vouloir améliorer vos compétences artistiques à nos côtés ... je vous comprends, et nous vous aiderons. "

Après son long discours, il se rassit et recommença à sourire.